Un certain Blatte

Patrice Delbourg

Adrien Blatte, petit homme gris, fureteur et maniaque, modeste employé de banque, vit sa vie par procuration. La tête dans un sac-poubelle, sa chambre, il atteint au degré zéro de la solitude et du silence. Capharnaüm de déchets, scories, épluchures et reliques glanés au gré de cueillettes urbaines, au sommet de quoi il juche, comme Harpagon sur son or, dans son vertige inassouvi de l’accumulation. Il ne respire que sur ordonnance. Il s’invente des maladies incurables, ayant décidé de devenir malade le jour où il a renoncé à faire des études de médecine. Il cultive la déréliction comme d’autres les rhododendrons, avec un soin de botaniste. Son existence est une perpétuelle désertion. Mais contrairement à son ami, le cafard, le céliblattaire est indéfectiblement seul.

Patrice Delbourg a inventé un héritier contemporain aux héros sidérés de Bove ou Guérin. Le suivre n’est pas de tout repos. Mais la langue de l’auteur des Désemparés  a le don d’enchanter le sordide.