Les photos de Josette Clotis se font rares, et celle que François Ouellet a trouvée est d’autant plus précieuse. Depuis longtemps il nous incite (et il nous a convaincus !) à nous pencher sur l’œuvre très méconnue de cette auteure disparue prématurément à 34 ans (en 1944) et dont on a surtout retenu sa liaison passionnée avec André Malraux, dont elle eut deux fils. Ils s’étaient rencontrés à l’époque du Goncourt de La Condition humaine, alors que la jeune femme venait de joindre l’équipe de rédacteurs de l’hebdomadaire Marianne, fondé par Gaston Gallimard.
Si elle achève un premier livre à 18 ans, son œuvre aura la vie courte : deux très beaux romans avant l’accident qui lui coûtera la vie. « Le Temps vert était mieux qu’un livre de début. Une mesure pour rien est une révélation », écrivait à l’époque le romancier Henri Pourrat, qui avait lancé Clotis. Ce livre, que nous aurons la joie de rééditer l’an prochain dans notre collection Inconnues, est d’une réussite saisissante. L’anecdote en est pourtant banale : une toute jeune fille raconte la déception d’un premier amour. Mais l’écriture, portée par une délicate mélancolie, par un sens très fin de l’observation, et d’une inquiétude qui élève l’émotion du personnage, fait des merveilles.
Emballé, Gallimard lui avait fait signer un contrat pour dix romans. Montherlant sera d’un enthousiasme peu habituel: « Quand je referme ce livre, je me dis : “Je voudrais avoir écrit cela!” Sans doute faut-il entendre : je voudrais avoir su faire cette coupe dans une âme de femme.» L’heure est donc peut-être enfin arrivée de ressusciter l’œuvre d’une romancière qui n’est souvent plus qu’un paragraphe dans une biographie.
En 2024, nous oserons Josette !