Bartelt au jour le jour

C’est un de nos projets au long cours qui nous enthousiasme le plus. Il ne déchaînera pas la critique, ne nous enrichira guère (pour le moins) mais fera notre fierté d’éditeur, heureux de proposer une aventure littéraire et éditoriale assez singulière et d’espérer l’inscrire dans la durée malgré l’adversité et la réduction inéluctable du nombre de celles et ceux qui peuvent suivre (nous en savons quelque chose avec L’Autofictif, autre motif de fierté et de joie depuis dix-sept ans, mon Dieu que le temps passe vite !). Franz Bartelt est de nos auteurs préférés, parce que son style, télescopage de réalisme et de fantaisie moqueuse, son univers composé de gens de peu qui l’ouvrent facilement, ses décors – un territoire provincial aux contours flous et pourtant exacts -, sa drôlerie qui n’a selon nous aucun équivalent parmi ses contemporains (il n’est pas rare d’être saisi par une franche hilarité à sa lecture), parce que tout cela donc en fait un écrivain totalement à part et pourtant d’une incroyable modestie. Sa vie entière vouée (et le terme semble s’appliquer à merveille dans son cas) à l’écriture, au bonheur infini et délicat de se retrouver chaque matin aux aurores devant son clavier pour laisser sourdre des mots venus d’on ne sait où, s’est traduit par l’écriture quotidienne, pendant des décennies, de cahiers (il n’aime guère parler de “journal”) dans lesquels s’impriment les émotions, les opinions, les réflexions, les indignations, les amusements, les joies, les anecdotes, les interrogations d’un être qui se juge commun, banal, mais transformé par l’exercice du verbe, par la contemplation amusée et inquiète de ce qui l’entoure au prisme de l’écriture. Pour celles et ceux que passionne ce sujet, nous ne voyons guère d’équivalent à cette aventure que nous dévoilons alors même que ce n’était pas le projet de Franz Bartelt (qu’il a fallu convaincre, mais notre obstination a dû le toucher) de la voir divulguée.

Après “l’Almanach des uns, des unes et des autres” qui l’an passé a lancé le projet sous forme d’auto-anthologie des décades lointaines, voici donc la première année de ce journal commun hors du commun, avec la mémorable année 2000 dont on avait pu oublier à quel point elle fut bizarre dans son impossibilité à être exceptionnelle.

C’est aujourd’hui que paraît (dans peu de librairies, c’est dommage) “L’année des treize lunes” de Franz Bartelt, 350 pages de bonheur !