Un ami de cent ans

Nous avons bien failli manquer cet anniversaire que notre ami de Chicoutimi, François Ouellet a salué récemment : en 1924 paraissait un premier roman découvert par la grande Colette, une œuvre marquante qui signa l’entrée fracassante d’un jeune homme de 26 ans d’origine russe, Emmanuel Bove, première pierre d’un chemin littéraire semé de grands livres qu’on se dépêcha d’oublier après sa mort précoce à l’issue de la guerre. Ce roman, qui nous a profondément marqués et enchantés, nous voulions le faire entrer dans notre catalogue et nous nous fîmes ce plaisir il y a près de dix ans sans imaginer un instant que cela deviendrait notre plus gros succès, que les libraires lui feraient fête et redécouvriraient celui qu’on semble redécouvrir sans cesse. Cela fait cent ans que ce livre qui oscille entre drôlerie et désespoir marque ses lecteurs successifs, et nous gageons que cela durera longtemps. Comme l’écrivait Peter Handke qui contribua à le faire relire, « Emmanuel Bove devrait devenir le patron-saint des écrivains (purs), plus que Kafka, et de la même façon qu’Anton Tchekov et Francis Scott Fitzgerald ». Comme le souligna Pierre Michon, “l’expérience de la lecture de Bove est inépuisable”.

Mes amis mériterait aussi, simplement, d’être le compagnon des lecteurs et lectrices qui croient que certains livres, faussement simples, sont inépuisables.