– petit souvenir –
C’est l’ami Alexandre M. qui nous avait conseillé ce roman paru aux Editeurs Français Réunis en 1963 (comment était-il tombé dessus ? Mystère…). Signé d’un certain Claude Henri, Le brouillard (pas facile à trouver chez les bouquinistes) nous avait emballés d’emblée, flattant notre goût pour les étrangetés oubliées, sorte de fable angoissante qui annonçait l’univers de la série “Le prisonnier”, cauchemar d’un homme errant dans une cité cernée par un brouillard infranchissable, réussissant à mêler ambiance fantastique et ton réaliste.
Ce n’était pas tout d’aimer le livre, fallait-il encore en retrouver l’auteur, Claude Henri étant sans doute le pseudo d’un écrivain ne l’ayant plus jamais réutilisé. Cette partie enquête du travail éditorial n’est pas la moins amusante, même si elle se solde souvent par des échecs (combien de rééditions impossibles à cause de cela). En l’occurrence, et malgré les cinquante ans écoulés, nous pûmes remonter la piste et découvrir qu’un village de l’Yonne abritait un octogénaire retraité des Télécom nommé Henri Beugras, lequel n’en revint pas qu’on pût s’intéresser à ce roman qui resta pour lui le seul publié. Après quelques échanges enjoués et la signature d’un contrat sous son vrai nom, nous eûmes la joie de tirer de la brume où il s’était égaré pendant un demi-siècle, ce merveilleux “Brouillard” – nous avions sollicité l’ami Alfred pour l’illustrer – à l’occasion du salon du livre de Paris 2013 (à l’époque où il était encore possible de participer à ce salon). Joie inattendue : Henri nous fit la surprise de venir nous rencontrer sur notre stand, content de voir son nom inscrit sur une couverture mais animé d’une belle modestie, chaleureux et drôle, nous permettant enfin de mettre un visage et une voix sur ce personnage.
Il est mort fin 2018, continuant jusqu’à la fin à peindre et écrire comme il l’avait fait toute sa vie.
Et son livre – qui n’a pas été le succès du siècle, on peut s’en douter – reste toujours à notre catalogue dont il est une des perles secrètes.