Un si bel anniversaire

En 2006, lors d’une de ces discussions interminables que nous avions dans le bureau de Finitude avec Emmanuelle et Thierry, le nom de Jean-Pierre Martinet est apparu, et l’idée a germé chez les Boizet que le temps était peut-être arrivé, treize ans après la mort sordide du pauvre écrivain revenu mourir dans sa triste ville de Libourne, hémiplégique et imbibé d’alcool, auprès de sa mère aliénée (sympa comme portrait, non ?), de tenter quelque chose pour faire réapparaître son nom d’oiseau oublié. Exhumant de courts texte de l’écrivain qui avait, avec parcimonie, semé quelques plantes vénéneuses dans des publications incertaines, ils ont parié que des formes courtes pouvaient être une astucieuse manière de lui attirer un peu de lumière (blafarde, comme il se doit). Il y avait bien ce texte, “La grande vie”, que nous adorions mais qui leur semblait un peu excessif. Qu’à cela ne tienne, nous relevons le gant et proposons de publier conjointement Nuits bleues, calmes bières, superbe hommage à Henri Calet (que Martinet a contribué à faire relire) et cette fameuse Grande vie, condensé terrible et drôle de l’univers de l’auteur de Jérôme. C’est comme cela qu’en novembre 2006, apparaissent sur les tables des libraires deux petits opus qui vont être accueillis bien au-delà de nos espérances, permettant à Finitude d’entamer les rééditions que l’on connaît : elles ont permis de redonner à cet écrivain génial et sombre la place qui lui revient. Depuis, nous avons repris plusieurs fois ce texte qui nous accompagne et nous sert de carte (grise) de visite. Denis Lavant l’a maintes fois joué, contribuant à étendre sa renommée.
Jean-Pierre Martinet est mort il y a trente ans, jour pour jour : fêter ce genre d’anniversaire est d’un mauvais goût qui aurait pu lui plaire. Les éditions de l’Atteinte viennent de publier une réédition de “L’ombre des forêts” (on nous dit que le livre est joli), preuve qu’il reste encore à faire pour connaître l’œuvre de cet auteur à la dérive qui, comme l’écrivait Eric Dussert, “s’abîme dans le fantastique de la cité, dans l’énigme des destins perdus, des échecs répétés, de l’énigme et du maléfice de la vie”.