De branche en branche

Il est arrivé dans la classe de Mlle Cochon trois semaines après la rentrée. À première vue, on ne l’a pas trouvé bizarre. Mlle Cochon lui a demandé de s’installer près de moi, au fond de la salle.
Puis, elle nous l’a présenté. Elle a dit qu’il s’appelait Youpe Laboume. Personne n’a osé ricaner : Mlle Cochon n’aime pas qu’on se moque des noms propres. On sentait qu’elle souffrait sans doute de porter le nom des Cochon, une famille pourtant plus qu’honorable, qui avait compté des héros de la guerre, un député, l’inventeur du gaufrier à piles et plusieurs personnalités du département.
Parmi les élèves, il y avait un Cornard, un Gambette, les jumeaux Tambouille, une Quatrefesses et un Morzifor. Il aurait fallu se moquer de tout le monde. C’était trop. Alors, tacitement, on avait décidé de ne se moquer de personne. Sauf de Durand Pierre qui était tellement normal que ça en devenait ridicule.

Franz Bartelt, qui nous désopile souvent avec ses personnages d’ahuris magnifiques ou de bavards impénitents, se fait plus tendre dans le roman Singeries qui paraît aujourd’hui pour notre plus grande joie. On y suit les sautillantes aventures d’Émile Cacasse et Youpe Laboum, deux écoliers emportés dans des péripéties dont la cocasserie n’a d’égale que l’espièglerie. C’est un livre à part dans le parcours de l’auteur du “Jardin du bossu” qui imagine rarement des enfants dans ses intrigues, et il y est particulièrement attaché : cela nous fait vraiment chaud au cœur qu’il nous l’ait confié. On espère qu’il grimpera joliment en librairie, il le mérite ce Singeries !